La communication orale a été révolutionnée par deux études d’Albert Mehrabian, professeur de psychologie de l’université de Californie (USA). Ce chercheur émérite a mis au jour « la règle des 3 V », aussi appelée « règle du 7 % – 38 % – 55 % ».
Basée sur deux études effectuées en 1967 auprès d’un panel de femmes, cette règle publiée en 1971 tente d’établir la part de Verbal, de Vocal et de Visuel dans une communication orale.
Aussi, beaucoup de professionnels de la communication orale assènent que 93% de la communication est non verbale et que seulement 7% du message est véhiculé par les mots employés.
Il est incontestable que l’attitude corporelle et l’expression visuelle, ou encore l’intonation et le son de la voix, donnent des informations précieuses sur la façon d’interpréter un message. Il convient d’apporter quelques nuances aux résultats de cette étude.
Albert Mehrabian lui-même, dans un courrier adressé à Max Atkinson stipulait : “Je vous prie de noter que ceci, et les autres équations concernant l’importance relative du verbal et du non-verbal, sont issus d’expériences concernant la communication de sentiments et d’états d’esprit (par ex. aimer/détester). A moins que le communiquant ne parle de ses sentiments ou de son état d’esprit, ces équations ne sont pas applicables”. (source : https://www.inxl.fr/le-mythe-du-7-38-55-le-non-verbal/)
Si les études de Marhabian ont le mérite de pointer du doigt l’importance de la communication non-verbale dans la communication orale, il convient toutefois de préciser la nature de ses travaux.
La première étude portait sur un panel non mixte, de 9 femmes et visait à mettre en exergue l’impact du verbal et du para verbal dans la réception d’un message. Ainsi donc, les sujettes ont écouté neuf mots enregistrés dont :
– 3 mots à connotation positive. Énoncés en anglais, ces mots étaient « honey, dear, thanks » soit en français « miel/chéri-e, cher-e, merci ».
– 3 mots à connotation neutre « maybe, really , oh», équivalents à « peut-être, vraiment et oh ».
– 3 mots à connotation négative, à savoir : « don’t, brute, terrible » qu’on traduit par “évite, brut-e, terrible ».
Le résultat de l’étude indique qu’en fonction de l’intonation de la voix, les réceptrices du message pouvaient deviner aisément quelles intentions/émotions les mots laissaient transparaître. Ainsi donc, les sujettes s’appuyaient d’avantage sur l’intonation plutôt que sur le sens du mot pour interpréter et associer une émotion au énoncé. En effet, prononcer « honey/chéri-e » sur le ton de la colère n’est pas perçu de la même façon que lorsqu’il est prononcé avec douceur.
Mehrabian en déduisait donc que le para verbal (intonation et son de la voix) joue un rôle plus important que le verbal (mot employé) dans la réception et surtout l’interprétation d’un message par celui qui l’écoute.
La seconde expérience s’est intéressé à l’impact du para verbal (intonation) et du non verbal (expression du visage). Ainsi, les protagonistes ont écouté l’enregistrement vocal d’une femme prononçant le mot « maybe / peut-être ». Ce mot était prononcé avec une intonation neutre, une intonation positive et enfin avec une intonation négative. Puis, Merhabian et ses collègues leur ont montré trois photos de visages de femmes. Ces visages avaient trois types d’expression : émotion positive, sans émotion particulière (neutre) et émotion négative.
Les sujets devaient indiquer si les personnes étaient sympathiques, ou pas, selon la voix qui était associée à la photo.
Les résultats indiquent que le canal visuel (non verbal) est déterminant dans la perception de la sympathie. Surtout quand le canal verbal ne permet pas aux protagonistes de se faire une opinion.
Les photos ont obtenu des réponses plus correctes que les voix, avec un ratio de 3:2. Marhabian avait donc précisé : « Les résultats quant à la contribution relative de la composante tonale d’un message verbal ne peuvent être étendus qu’à des situations de communication dans lesquelles aucune autre information sur les relations entre émetteur et récepteur du message n’est disponible. »
Il conviendra en outre de souligner que les sujettes ont du se faire leur avis sur des photographies. Les images figées qui ne laisse pas voir le rictus fugace, par exemple, ou font à contrario un focus dessus. Par ailleurs, les attitudes corporelles ne sont pas prises en compte. Enfin, seules 9 femmes faisaient partie de cette étude. En outre, on ne sait pas grand choses des modalités de sélection de ce panel.
Pour conclure, si vous cherchez un bon coach en communication orale, un bon PNListe, méfiez-vous de celui qui vous énoncera comme une vérité incontestable et sans nuance que 93% de la communication est non verbale. Il semble indéniable que l’attitude et l’intonation prennent une place importante dans l’interprétation du message par le récepteur. Et cela en dehors de la signification propre des mots. Mais prendre appui sur des études scientifiques est une très bonne façon de convaincre. Pas étonnant donc que les communicants en face usage… Comme les aux hommes politiques qui nous assènent de chiffres !
Albert Mehrabian lui-même, dans un courrier adressé à Max Atkinson stipulait : “Je suis évidemment mal à l’aise du fait que mon travail soit mal cité.Dès le début, j’ai tenté d’expliquer aux gens les limites de mes découvertes. Malheureusement, nombreux sont les praticiens parmi les “consultants image corporate” et autres “consultants en leadership” qui ont une très faible expertise psychologique”.
Source de l’image : https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Mehrabian#/media/File:2011_pyramide_des_besoins_de_communication_d_apres_Albert_Mehrabian.png